Prendre le parti des choses.

Publications hybrides sur les processus de création.

 

Des éléments pour penser une approche matérielle et processuelle de la création

Le projet repose sur la jonction de problématiques qui concernent l’étude des processus de création et la diffusion sur des nouveaux supports éditoriaux de ces recherches. Plus précisément ce projet, qui fait écho aujourd’hui à l’approche matérielle qui caractérise tout un courant de l’histoire de l’art (Nègre, 2016, Yonan, 2011) et plus largement, des sciences humaines et sociales (Ingold, 2013, Miller, 2005, Sennet, 2010) propose une approche processuelle et « symétrique » des acteurs et des objets de la création. Tout en nous appuyant sur ces traditions d’études, nous proposons de revisiter la notion de matérialité, de prendre en compte la manière dont les matériaux interviennent dans la définition des propriétés d’une œuvre et d’étendre l’étude de la matérialité à l’ensemble des gestes et des pratiques que constituent la chaîne opératoire (Leroi-Gourhan, 1964) de la création. Cette posture vise l’étude de la création à partir des conditions concrètes de production et de réalisation et peut nous permettre de saisir les processus de création au-delà de la seule intentionnalité des artistes. En proposant cette approche, notre intention est d’une part de mettre au centre de l’étude de la création en art et en design le rapport entre la création et la technique, ainsi que les savoirs et savoir-faire convoqués dans les pratiques de création. De l’autre, de proposer une vision du projet artistique comme un agencement singulier d’agentivités (Gell, 1998) portées aussi bien par l’artiste que “distribuées” entre plusieurs entités (temporalités, lieux, supports) et agents (artistes, commanditaires, muséographes, assistants techniques etc.). Cette approche nous permet notamment de mettre à nouveau frais la notion d’instauration (Souriau, 1956), que nous considérons, à la suite des travaux de Latour et Stengers (2009), moins comme un « esprit créateur » venant donner une existence avant tout spirituelle à l’œuvre et davantage, dans une vision proprement pragmatiste, comme la description des différents modes d’existence par lesquels il faut en passer pour « faire œuvre ». Par ailleurs, nous faisons l’hypothèse qu’étudier le processus de création comme un des lieux de la production du sens, permet également d’interroger l’idée courante selon laquelle, depuis la Renaissance, conception et exécution sont seulement pensées l’une après l’autre. Remettre en perspective les dynamiques des processus de création nous semble indispensable au moment où, aujourd’hui, l’informatisation des tâches de conception et d’exécution semble brouiller les registres de l’abstrait et du concret. L’un des objectifs du projet est justement d’affiner le concept de « matérialité de la création » lors du travail qui sera mené pendant l’année et en particulier lors de la journée d’études que nous souhaitons organiser à l’EHESS. Un second objectif, relatif celui-ci au format éditorial que nous avons choisi, est de rendre compte de la complexité du processus de création par des médias de documentation iconographique animée plutôt que par du texte descriptif. En effet, une édition augmentée permet l’intégration de médias spécifiques (Haute, 2017) afin de restituer les aspects physiques, spatiaux et temporels des objets constitutifs et étapes de réalisation et de perception d’une œuvre (vidéo, son et d’image 360°).

Calendrier du projet

Nous souhaitons réaménager le calendrier des actions en proposant, pour l’année 2017-2018, de nous concentrer sur la production de l’ouvrage numérique et d’y associer deux journées d’études qui auront lieu entre fin mars et juin 2018. Le projet « Prendre le parti des choses. Publications hybrides sur les processus de création » a pour objectif de fédérer différents chercheurs qui étudient et qui travaillent dans le champ dde l’anthropologie et de l’histoire de l’art et des techniques, ainsi que dans le champ des arts et du design. La question de l’écriture spécifique à l’étude de la création et de nouvelles formes éditoriales est au centre de ce projet qui interroge comment tirer parti des écritures numériques et multimédia pour construire des structures des formes de narration nous permettant de décrire et restituer les projets de création en art et en design. Nous souhaitons pour cette année privilégier la réalisation d’un ouvrage numérique issu de l’exposition « Typoéticatrac. Les mots pour le faire ». Cette exposition, à forte dimension interactive, se prête à interroger tout autant le lien entre conception et fabrication et conduit à penser d’une manière nouvelle les notions de performativité, d’affordance et d’interactivité. L’ouvrage numérique que nous souhaitons réaliser nous permettra d’expérimenter des procédés de design dans l’intention de proposer de nouvelles formes éditoriales pour les publications de sciences humaines portant plus particulièrement sur la création. Il s’agit dès lors de reproduire dans un livre numérique la manipulation des œuvres au moyen non seulement d’une documentation des pièces in situ mais également d’une remédiation des principes interactifs de l’œuvre originale. Quels nouveaux agencements pouvons nous imaginer entre données textuelles, visuelles et sonores ? Quels gestes interactifs devons-nous imaginer en creux pour proposer au lecteur du livre numérique une expérience sensible proche de l’émerveillement ou de la surprise de l’expérimentation de l’installation originelle dans l’exposition ? Outre le changement d’échelle et de nature, il s’agit de tirer parti des possibilités interactives des supports et écritures multimédias pour proposer de nouveaux modes d’analyse et de restitution. Le travail de conception et réalisation de l’ouvrage numérique sera conduit entre septembre 2017 et mars 2018 afin de pouvoir disposer d’un premier prototype fin mars 2018 que nous souhaiterons présenter lors d’une journée d’étude. Deux journées d’études successives seront organisées dans le cadre de ce projet. Elles auront lieu l’une à l’EnsAD et l’autre à l’EHESS. La première journée, prévue pour fin mars 2018, aura pour objectif d’interroger les nouvelles formes d’écriture de la recherche en art et en design à partir de la présentation du prototype de l’ouvrage numérique que nous réalisons au sein d’EnsadLab et que nous nous souhaitons finaliser pour septembre 2018. La deuxième journée, en juin 2018, réunit, comme proposé dans la première version du projet, des chercheurs en histoire de l’art, philosophie, anthropologie et sociologie ayant pour objet l’étude de la création dans différents domaines. Nous renvoyons à la liste des intervenants pressentis dans le projet soumis en mars dernier. Les communications issues de cette journée seront proposées à la publication dans un numéro hors série d’Images Re-vues. Pour ce faire et dans l’espoir d’un renouvellement de financement pour l’année 2018-2019, nous proposerons d’organiser le workshop éditorial à l’automne 2018 pour envisager la sortie d’un numéro hors série d’Images Re-vues début 2019. Ce workshop aura pour objet de modéliser et de mettre en œuvre différents systèmes de tissage sémantique et d’articuler différents médias mobilisés par les intervenants de la journée d’étude.

Références bibliographiques citées

GELL Alfred, L’Art et ses agents. Une théorie anthropologique (1998), trad. S. & O. Renaut, Dijon, Les presses du réel, 2009. HAUTE Lucile, « Design des catalogues d’expositions sur support numériques. Conception graphique et interactive : étude de cas. », dans Livres d’art numériques, de la conception à la réception, A. SAEMMER, N. TREHONDART (dir.), Paris, Hermann, 2017, p. 109-123. INGOLD Tim, Making : anthropology, archaeology, art and architecture, London, Routledge, 2013. Précisions et compléments d’informations – appel à projets IRIS CCS Page 3 sur 3 3 LEROI-GOURHAN André, Le geste et la parole 1. Technique et langage, Paris, Albin Michel, 1964. MILLER Daniel, Materiality, London, Duke University Press, 2005 NÈGRE Valérie, L’art et la matière. Les artisans, les architectes et les techniques (1770-1830), Paris, Classiques Garnier, 2016 SENNET Richard, Ce que sait la main, Paris, Albin Michel, 2010. SOURIAU Etienne, Les différents modes d’existence (1943), suivi de De l’œuvre à faire (1956), Présentation de Isabelle Stengers et Bruno Latour, Paris, PUF, 2009. YONAN Michel, « Toward a Fusion of Art History and Material Culture Studies », West 86th , A Journal of Decorative Arts, Design History and Material Culture, 18/2, 2011, p. 232-248.